Géopolitique du numérique, aversion cognitive et absence juridique en Afrique : laboratoire incontrôlé du numérique mondial.

laboratoire incontrôlé du numérique mondial

Nous sommes aujourd’hui au cœur des stratégies d’expansion des géants du numérique. Alors que les infrastructures se développent et que la connectivité explose, les acteurs internationaux du web comme Meta, Google ou Amazon y voient un nouveau terrain fertile pour leurs activités, un constat d’autant plus alarmant que la population africaine, relativement jeune et hyperconnectée, se retrouve désormais au centre d’une digitalisation rapide et parfois incontrôlée. Cet engouement pour les plateformes sociales, combiné à des projets étatiques ambitieux mais fragmentés, pose une question fondamentale : à quel prix se développe ce numérique sur un continent dépourvu de protections juridiques solides ?

Car derrière l’illusion d’un progrès technologique, des risques émergent. L’absence de régulation expose les citoyens à des violations massives de leurs données personnelles, à l’exploitation de biais cognitifs, et pire, à une manipulation de l’opinion publique qui peut fragiliser encore davantage des situations déjà instables, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales.

L’Expansion des Géants du Numérique en Afrique : un Far West économique

Avec plus de 1,4 milliard d’habitants et un taux de pénétration d’Internet qui a bondi de 35 % en 2019 à plus de 45 % en 2023 (source : UIT), l’Afrique est perçue comme une énorme réserve de consommateurs par les géants du numérique. Toutefois, leur modèle d’expansion met en évidence une approche inéquitable et dangereuse.

  • FlutterFlow et l’exclusion systématique de l’Afrique : Lors de la création d’applications sur FlutterFlow, les utilisateurs doivent choisir un stockage des données entre l’Europe et l’Amérique. Aucun choix n’est prévu pour l’Afrique, traduisant une absence flagrante d’infrastructures cloud locales et un mépris latent pour les spécificités africaines et qu’en parallèle la digitalisation pousse les entreprises sur place à une transformation effrénée surtout avec les applications qui collectent des données.
  • Meta Ads et la politique à double vitesse : Les annonceurs européens font face à des restrictions strictes concernant la messagerie privée pour l’acquisition client. Ici en Afrique, cette même pratique est laissée sans contrôle, permettant une exploitation intrusive et non réglementée (Numéros de téléphone personnel, noms, adresses, … collectés sans politique d’utilisation au préalable ou autorisation de collecte).

Cette dualité dans la politique des plateformes traduit une éthique à géométrie variable : les normes appliquées dans les pays réglementés s’effondrent dès qu’il s’agit du continent africain.

L’exploitation des biais cognitifs : une arme invisible

En l’absence de garde-fous, les algorithmes exploitent nos faiblesses psychologiques pour maximiser le temps passé sur les plateformes.

L’Afrique, où l’information circule souvent sans vérification, devient un terrain de jeu dangereux pour des contenus manipulatoires et inadaptés.

  • Effet de récit et confirmation des croyances : Les algorithmes, en amplifiant les contenus polémiques et viraux, nourrissent les divisions sociales et culturelles. Exemple : Facebook et Nollywood où des vidéos suggestives et violentes à fort impact visuel circulent librement, sans filtre, provoquant des dérives sociétales.
  • Manipulation de l’opinion publique : Dans des pays politiquement fragiles, ces plateformes deviennent des outils de propagande redoutables. Les fake news se propagent à une vitesse incontrôlable, exacerbant les tensions sociales et politiques. En comparaison, l’Europe, grâce au RGPD, impose des contrôles stricts sur les contenus et les publicités politiques.

Le constat en est que l’absence de régulation transforme les populations africaines en consommateurs passifs manipulés par des algorithmes opaques.

Données personnelles : un pillage silencieux

Le manque de réglementation signifie que les données des Africains sont collectées, stockées et exploitées sans transparence. Ces données, allant des comportements en ligne aux informations bancaires, peuvent prédire avec une précision alarmante les évolutions des sociétés africaines à moyen et long terme.

  • En Californie, la loi CCPA oblige les entreprises à détailler leur collecte de données et donne aux utilisateurs le droit de refuser.
  • En Europe, le RGPD astreint des sanctions lourdes en cas de violation.

En Afrique, aucun cadre juridique harmonisé n’existe, laissant les citoyens à la merci des multinationales.

La responsabilité des instances africaines

L’Union africaine a bien tenté d’élaborer des stratégies numériques, mais leur impact reste marginal faute d’application et de méconnaissance des entreprises concernées. Les États africains, souvent préoccupés par des enjeux politiques internes, peinent à ordonner une souveraineté numérique.

Pendant ce temps :

  • En Europe, Meta a été condamné à plusieurs milliards d’euros pour non-respect du RGPD.
  • En Asie, des pays comme la Chine exigent aux plateformes internationales de se plier à leurs lois.

L’Afrique doit prendre conscience de son retard et agir rapidement pour protéger ses citoyens et son économie.

À la croisée des chemins

Si rien n’est fait, l’Afrique continuera d’être le laboratoire des géants du numérique, où les populations sont exploitées sans protection. L’Europe et les États-Unis ont montré qu’une régulation stricte peut rétablir un équilibre entre innovation et respect des droits fondamentaux.

L’Afrique doit s’inspirer de ces modèles et poser les bases d’une souveraineté numérique forte pour assurer son avenir.

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